Il n’aura pas eu 58 ans.
Philippe est né le 21 mai 1960.
Un enfant de mai.
Et puis il a poussé, graine rebelle un peu, bonne pâte beaucoup.
À Strasbourg, ses premières années, rue du général Gouraud , entre le Parc du Contades, notre terrain d’aventures, du bac à sable au vélo, de la luge au ballon...
Tout près, il y avait les EI ...
Louveteaux, éclaireurs, comme on a aimé ça!
Et puis l’école Schoepflin ...
Philippe aimait bien la récré et les copains ... les cours, un peu moins.
Et puis ce fut Bordeaux, pas de scouts là-bas.
Le foot ou les voyages en train vers la mer pas loin ont fait nos week-ends cette année là.
Un jeudi matin d’hiver, Philippe et moi, avons même poussé l’audace jusqu’à bleuter le cours de religion pour flâner sur la place des Quinconces.
On se sentait déjà libres.
Et puis ce fut Mulhouse, l’adieu à l’enfance, les doux débuts de notre adolescence, entre secrets complices et affrontements toujours fraternels.
Les premières cigarettes, la musique, les manifs, les boums, les premiers émois, timides forcément. la vie quoi !
Parce que Philippe aimait la vie, passionnément, foutraquement parfois .
Il n’aura pas eu 58 ans.
Pour moi il aura toujours 20 ans.
Il est mon enfance , mon adolescence ...
Il est ma jeunesse et avec son départ, celle-ci s’est vraiment enfuie.
Il n’aura pas 58 ans, mais lorsque je pense à lui c’est à ce frère toujours partant pour n’importe quoi, n’importe quand,
C’est de ces moments-là, de ces heures heureuses ou heurtées, c’était selon, dont je lui parlais quand je passais le voir dans cette maison d’Oberhausbergen.
Bien sûr, il y a eu un avant et un après la maladie ...
un avant et un après cette longue, silencieuse et vertigineuse chute dans les méandres de la douleur .
Mais pour moi, Philippe sera toujours ce frère de route et de sang, si loin et toujours si proche.
J’ai la tête pleine d’images,
les oreilles débordantes de ces musiques qu’il aimait et que depuis dimanche j’écoute en boucle .
Il est dans moi, dans l’air ...
Et il est aussi et surtout dans cette petite fille qu’il adorait ...
S’il ne t’a pas vue grandir Noemie, je me souviens du plaisir et de la fierté qu’il avait à t’emmener tous les dimanches matins boire une grenadine.
Et rien que d’être toi c’est déjà quelque chose qui te ramène, et qui nous ramène tous, forcément à lui.
Et sur ces chemins de traverse où s’entremêlent nos racines, il y aussi, comme une évidence, notre mère , celle de toutes les batailles , de tous les bonheurs, et des blessures indicibles aussi ...
Il y a bien sûr sa femme, son indispensable moitié ... et puis le troisième du trio Carrot, celui que l’on appelait le ptit !
Salut Philippe, toi le frère que j’ai eu et qui vient de me faire faux bond ...
Daniel